Et si une fois par année on pouvait retrouver ceux qui sont partis avant nous ? Et si pendant une nuit entière, on pouvait s’assoir ensemble, rire, pleurer, reconnecter ?
Je me souviens…
C’est octobre et je déambule dans les rues de Guadalajara, au Mexique. Ici, on oublie les arbres multicolores : c’est encore pratiquement l’été et de toute façon, les feuillus se font rares. Plein de marchés temporaires sont apparus un peu partout en ville dans les dernières semaines. Le pays se prépare pour sa plus belle fête (selon moi) : le Jour des morts.
Dans ces marchés, on trouve des objets symbolisant les anciennes fonctions de nos chers défunts (des squelettes posant dans le rôle d’enseignant, de mariachi, de cuisinier, etc.) ; leur nourriture préférée (très difficile de trouver une petite poutine ou du pâté chinois fait en céramique, laissez-moi vous dire), des fleurs orange vif…
Je me promène donc dans le marché qui s’est installé près de chez moi, puis une fois mes quelques objets trouvés, je retourne à la maison bâtir mon autel. Je le fais à la mémoire de mon père. J’y dépose une photo que j’ai de lui, des beignes achetés au marché, des petites chandelles, un crâne en sucre avec son nom dessus, et quelques trèfles que j’avais apportés pour célébrer la Saint-Patrick.
Le processus me touche et me fait vivre le deuil autrement. Il m’invite à célébrer la vie de mon père, à me remémorer qui il était, ce qui l’animait, d’où il venait. Ça goûte bon et ça me relie à mes racines.
Le soir du 1er novembre, des centaines de personnes se promènent dans les rues le visage décoré d’un maquillage élaboré. L’heure est à la fois à la fête et à la prière. Un ami m’amène sur l’île de Janitzio, dans le Michoacan, un des lieux les plus fréquentés pour la beauté de son cimetière.
Nous montons une à une les marches nous menant au sommet, où se trouve le fameux cimetière. Les gens font la file pour y entrer, et lorsque j’aperçois enfin le lieu sacré, je retiens mon souffle. C’est tellement beau ! Toutes les tombes sont recouvertes de tonnes de fleurs orange (des soucis), de multiples chandelles, d’offrandes, et des gens sont assis en état de recueillement.
Cette nuit, il est dit que le monde des morts rencontre le monde des vivants.
Je m’approche de deux jeunes hommes qui sont assis un peu à l’écart avec une chandelle et leur demande si je peux me joindre à eux. Ils acceptent de bon cœur et je me laisse aller, à mon tour, à cet état méditatif qui plane tout autour.
Je sors de mon sac une lettre pliée avec soin que j’ai écrite pour mon père, puis je la lis à nouveau silencieusement, pour la lui offrir. Je la dépose avec les offrandes des deux jeunes hommes, puis on brûle le tout, ensemble.
Ce passage m’a aidée à créer un espace sacré où je peux retrouver les gens que j’aime et qui ne sont plus. Le Mexique m’a fait voir l’Halloween, et la mort, autrement : comme la célébration de la vie et la reconnaissance de l’héritage laissé.
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comme ca doit libérer