Je me souviens…
Je suis au Pérou, dans un village dont j’oublie le nom, assise à une table, entourée de huit autres jeunes de mon âge. J’ai vingt-sept ans, je suis séparée de mon mari depuis un peu plus d’un mois, et présentement je fais partie d’un petit groupe qui a pour but de marcher jusqu’au Machu Picchu. C’est notre première soirée ensemble, on se commande des verres de Pisco Sour (la boisson locale) et on commence à se présenter. C’est à ce moment-là que je réalise que pour ces personnes, je ne suis personne. Je pourrais même, à la limite, m’inventer un personnage, une vie. Je n’ai aucune étiquette: je ne suis pas chrétienne, je ne suis pas missionnaire, je ne suis pas la femme mariée qui vient de quitter son mari, je ne suis que moi, point. Wow, je me sens tellement libre et légère tout à coup ! Tout le poids des derniers mois tombe de mes épaules. Je sais que c’est juste temporaire, mais pour l’instant j’en profite au maximum. Je suis Mélanie, j’ai 27 ans et je suis en route vers le Machu Picchu.
Ces étiquettes, pas besoin qu’on me les attribue : je suis assez bonne pour me les attribuer moi-même. J’ai compris que dans ma nature, si j’ose me coller un « titre » (je suis chrétienne, je suis musicienne, etc.) ou un rôle officiel (je suis prof de langues, psy, guide spirituel, etc.) et que j’y crois, je me mets beaucoup de pression pour m’y conformer dans son entièreté. À l’époque, chaque rôle que j’avais portait un sens profond, de belles valeurs et des attentes élevées qui me rendaient fière de moi. Quel poids je me mettais ! Je me revois couchée dans le noir, en plein milieu de ma crise de vie, à me heurter à mes murs intérieurs : « Même si tu es en train de mourir intérieurement, tu ne peux pas dire telle ou telle chose car tu es chrétienne. Tu ne peux pas faire telle ou telle chose car tu es missionnaire. » Comme il a fallu que ça cogne fort en moi pour finalement abattre ces murs et tout quitter ! Et puis je me retrouve au Pérou, dans la situation décrite ci-haut, pour me rendre compte de la légèreté que j’expérimentais de pouvoir seulement être moi. Moi et rien de plus, rien de moins. Un être humain en marche aux côtés d’autres être humains, dans toute leur simplicité, leur folie, leur beauté et leur laideur.
Je suis aujourd’hui prudente des étiquettes que je me mets à moi et que je donne aux autres. Quand on catégorise les autres, on les confine à cette image. Dans tout ça j’ai appris que nous sommes en changement constant, et qu’il est faux de croire que je « fitterai » (très québécois je sais !) toute ma vie dans telle ou telle boîte, ce qui est vrai aussi pour l’autre. Aujourd’hui, bien sûr que je continue d’essayer de me définir et de définir ceux que je rencontre, ça nous aide à se comprendre, mais je le fais les mains et le coeur ouverts. Je reste consciente que cette étiquette s’applique dans mon aujourd’hui, dans mon présent, mais qu’elle ne sera peut-être plus adéquate demain, selon les pas faits. Y a-t-il des étiquettes dont vous aimeriez vous débarrasser ? Qui ne sonnent plus juste pour vous ?
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