Après l’Église

Après l’Église

Cet article est la suite de “Jugements“.

 

Je me souviens…
Janvier 2012. Ça fait 9 mois que j’ai tout quitté. Je suis dans une rencontre avec le pasteur de mon église, mon ex-mari, le pasteur-adjoint et un couple qui nous connaît bien. Tout ce beau monde me rencontre, 9 mois après la séparation, pour me demander d’exposer ma situation, m’inviter à me repentir et prier pour que Dieu touche mon cœur. Je parle de ma recherche de sens, du désir de connexion avec mon cœur et de mon refus de retourner dans un mariage pour les mauvaises raisons. On me répond que le cœur est mauvais et que la recherche de soi est vaine. Je me tiens droite et je suis douce, mais ferme. J’exprime mon désir profond de connecter à Dieu, mais mon incapacité à me repentir dans le moment, ce qui impliquerait retourner avec mon mari. Je sens une grande incohérence dans ce que le pasteur me dit à propos du cœur, mais je n’arrive pas à saisir où elle se situe exactement. Tout est mélangé en moi, je ne suis sûre de rien, je ne sais plus ce qui est vrai ou faux, bon ou mauvais. Ils prient pour moi et je quitte la rencontre, seule. Alors que je marche dans la neige en direction de mon arrêt d’autobus, le groupe discute de mon cas. Je n’en reviens pas d’être rendue là, moi qui ai toujours été la bonne fille. Je n’en reviens pas de vivre ça en 2012 ; un appel à la repentance suite à une séparation sous peine de quoi on pourrait me demander de ne pas revenir à l’église. Je suis bouleversée, triste et fâchée à la fois. Dans la dernière année, on m’a traitée de femme adultère, de prostituée, de fille qui a été séduite par Satan. J’ai reçu des courriels remplis de versets pour me rappeler sur le droit chemin et pour me dire que j’étais sur la mauvaise voie. Quelqu’un est même venu me voir pour me dire qu’il ne pourrait plus s’asseoir avec moi en classe. Là, c’est assez. Ils ne vont pas m’excommunier, il n’auront pas besoin de se rendre jusque là. Je vais m’excommunier moi-même ; l’église, pour moi, c’est fini.

 

Quelle rencontre, et quelle décision ! J’aimais toujours Dieu, je ne savais juste plus comment le suivre. Quelque part, j’avais l’intuition qu’en me connectant à mon cœur et en retrouvant l’entièreté de celle que j’étais, je me connecterais au divin encore plus intimement. La boîte dans laquelle j’avais mis ma compréhension de Dieu se faisait trop petite depuis un moment déjà, mais là les parois étaient carrément en train de céder. Quelque part en moi, je sentais que Dieu était probablement un milliard de fois plus grand et indéfinissable que je ne le pensais, mais à ce moment j’étais tellement prise dans ma culpabilité et dans cette vision du monde qui avait déterminée toute ma vie pendant une dizaine d’années que je piétinais sur place.

 

Je priais mais je me condamnais moi-même dans ma tête. Je continuais d’aimer Jésus mais je ne me sentais plus digne d’en parler. À cette époque, vu ma brisure et l’humilité que ça a apporté dans ma vie, beaucoup d’amis se sont ouverts à moi, des croyants et des non-croyants. Ils me partageaient « leurs pires péchés », car ils sentaient que je n’allais aucunement les juger. Et effectivement, à mes yeux j’étais tellement tombée bas que j’avais perdu toute estime de moi et je comprenais qu’il est malsain de juger quand on n’a aucune idée de ce qui a amené une personne à agir de telle ou telle manière.

 

Ce qui m’habitait était : « Ma vie me fait CHIER, elle fait mal en crime, mais quelque part je SAIS que je passe par tout ça pour une raison. » Et cette conviction était forte en moi ! Quelque part, je savais que j’étais née pour aimer l’autre dans tout ce qu’il est. Marcher à côté de. Être avec. Et en passant moi-même à travers le feu, je me voyais dépouillée de mon orgueil, de ma fausse perfection et mise à nue. Après tout ça, j’aurais souffert de manière à vivre encore plus de compassion et d’Amour devant l’entièreté de l’Autre.

 

En octobre 2012, je me lance dans une maîtrise en psychosociologie à l’UQAR. Cette expérience scolaire en est en fait une qui dépasse l’intellectuel : à travers des mises en soi (petites méditations), ateliers d’écriture qui m’invitent à plonger au plus profond de mes souffrances, discussions, échanges et lectures, je vois ma façon de voir le monde physique et spirituel se transformer.

 

Je retourne vers l’enseignement, mais je deviens prof privée au lieu de travailler dans les écoles. Je développe avec mes étudiants une relation profonde et basée sur la confiance. Je leur apprends le français et l’anglais, mais avec le temps, je me rends compte que ces personnes viennent chez moi pour beaucoup plus…

 

Je me souviens…
Pierre se stationne devant chez moi et je saute dans son camion. Comme à son habitude, il m’a appelée à la toute dernière minute pour voir si j’étais disponible pour lui donner un cours d’anglais et j’ai dit oui. Encore une fois, il sort de l’hôpital où il a été rendre visite à son fils de 19 ans qui est en psychiatrie. Aujourd’hui il veut qu’on fasse le cours en se promenant en voiture. En m’asseyant à côté de lui, j’essaie de commencer la conversation en anglais. De façon dynamique, je lui demande comment il va et il me répond en riant. Ma question suivante – how is your son doing ? – le ramène en français. Un flot de paroles déferle. Pierre me décrit l’état de son fils, les traitements, les montées d’espoir puis l’échec… Puis il me parle de Dieu, de sa foi, de ce qui fait sens pour lui. Je l’écoute, le questionne. Je ne suis pas du genre à parler avec autorité ou à donner bien des conseils ; j’essaie plutôt par mes questions de l’amener plus loin dans ses réflexions. À un moment donné, il se tourne vers moi et me demande ce que je crois spirituellement sur un point quelconque. Quelque chose se fige en moi, la peur apparaît. Je ne sais pas, je ne sais plus. Non, ne me demandez pas ce que j’en pense, mon rôle c’est d’accompagner la réflexion. Pourtant avec Pierre, je me lance. Je réponds du mieux que je peux en cherchant et en pesant mes mots, en jonglant dans ma tête avec les impacts que telle ou telle croyance peut avoir. J’essaie d’évaluer ce qu’il va penser de moi. Je juge ma réponse, que je ne trouve pas assez claire. Je me sens en situation d’échec. Sur la route de retour nous échangeons sur Dieu, la vie, la mort. Alors que je me prépare à quitter la voiture, il sort 25$, de sa poche et me les tend ; le prix d’une heure de cours avec moi. Je refuse, lui disant qu’on n’a pas parlé anglais de toute l’heure. Il me répond : « Prends-les Mélanie, c’est pour ça que je t’ai appelée. Ça me fait du bien de te voir et de jaser de ces choses-là avec toi. C’est ta job ! » Touchée, je prends l’argent.

 

Je pourrais écrire beaucoup plus sur ma vie et mon cheminement, et ce, en prenant différentes postures. Mais je terminerai en disant qu’aujourd’hui, les contours de ma spiritualité sont beaucoup plus flous qu’avant. Ce blog est pour moi une façon de mettre des mots sur tout ça en invitant des gens à le lire, car je sais bien que je ne suis pas seule sur cette quête de sens.

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